vendredi 21 octobre 2022

Såsom i en spegel / À travers le miroir (1961) Ingmar Bergman


 

Play (2011) Ruben Östlund


 

Renaud Camus, Journal de "Travers" II, 2007


 Suite et fin du "Journal de "Travers"".

Je dois dire que la lecture de l'ouvrage, enfin dans le début de sa deuxième partie m'avait parue légèrement pénible. Les atermoiements amoureux, les scènes récurrentes entre l'auteur et W. m'irritaient. Que n'avait-il pris le parti de la rupture. Etre amoureux vous pousse dans d'étranges retranchements où la raison vous fait défaut. Voir le tour que prend le séjour en Grèce, sans compter les "amis" qui ajoutent au drame. Il faut dire que Camus, à l'époque, n'a pas une autonomie financière qui lui permet d'avoir le respect des rustres qui souvent s'en prennent aux faibles, à ceux qui sont dépendants.

Et puis ayant lu son  Journal d'un voyage en France, nous voyons bien que sa liberté est directement source de plaisir pour ses lecteurs alors qu'en Grèce il est très mal accompagné, regrettant "les compagnies qui, ne s'intéressent au fond que très peu à ce qu'elles voient, n'attachent vraiment d'importance qu'aux à-côtés pratiques du voyage et vivent dans l'impatience constante du "petit café", de l'apéritif du soir (ou du matin), de la "bonne douche", du thé, du dîner, peu importe, ou laissent l'intendance dévorer tout le temps, et l'espace..."

La forme du journal est souvent problématique puisque  Camus y mélange la prise de notes du jour qui fait l'objet du récit, les parenthèses qu'ils ouvrent, les interruptions liées au moment où il transcrit etc. , ce, sans pour autant respecter la chronologie, la raison d'être du volume (recueil de traces) n'y étant pas étrangère. J'avoue m'y perdre un peu parfois, Camus aussi : "...je m'aperçois que j'ai oublié d'écrire en italique. Dieu sait qu'on est pourtant loin du récit chronologique des événements, qui seul a droit à l'écriture droite, théoriquement ; à moins que ce qui interrompt l'interruption doive revenir au romain, que ce qui interrompt ce romain de troisième niveau doive repasser à l'italique, et ainsi de suite..."

Les passages sur Aragon sont étonnants, reportage littéraire d'un compagnonnage particulier, portrait d'un homme en déclin mais qui rue encore.

La qualité du livre réside dans la description d'une période avec toutes ses zones non-littéraires, qui ne seraient pas forcément transcrites dans un autre journal parce que peu important, peu dramatique, peu générateur de péripéties. Ces moments creux, Camus les revendique, des détails qui "parlent de ce que c'est, au jour le jour, que de vivre en 1977. C'est là un de ces plaisirs de lecture sur lesquels il faudrait s'interroger soigneusement plutôt que de les exclure par un puritanisme infondé, ou mal fondé."

Les orgies et autres étreintes assidues font partie de ce credo.

Enfin, en dépit des quelques griefs énoncés ci-dessus, le plaisir intense de lire une langue construite, riche et presque nouvelle me satisfait pleinement, m'oblige à reconsidérer la mienne ainsi que le regard que je porte aux êtres et aux choses. N'est-ce pas là un bonheur suffisant ?